- casper a écrit:
- C'est-y un marronier ou c'est-y un chataigner ? cf 1er et dernier §
bien vu casper, non c'était un marronnier.
Ci dessous un article du Monde d'aujourd'hui:
"C'est une sale rafale qui l'a abattu, venue de sa droite, dit-on à Amsterdam, comme si le présent de la politique rappelait, qui sait ?, un passé pas si lointain. Le marronnier décrit par Anne Frank dans son célèbre Journal s'est brisé lundi 21 août et l'arbre-symbole le plus célèbre des Pays-Bas fait encore plus parler de lui maintenant que ses 27 tonnes de bois ont été débitées et stockées dans un endroit gardé secret.
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Dans son livre mondialement célèbre, la jeune juive a évoqué trois fois ce marronnier qu'elle voyait depuis la fenêtre de "l'annexe", des pièces situées au-dessus et à l'arrière des bureaux de l'entreprise Opekta de son père, Otto Frank, sur le Prinsengracht. Elle y racontait, au fil du récit d'événements situés entre juin 1942 et le 1er août 1944, la beauté d'un arbre symbolisant, pour les huit occupants de la cache (Anne, sa soeur Margot, son père, sa mère et quatre de leurs amis) un espoir et une impossible liberté.
Arrêtés, déportés, tous morts en détention - hormis Otto -, les occupants de l'annexe sont devenus des victimes emblématiques de la Shoah. "Annelein" - petite Anne, comme l'appelait son père - est morte du typhus à 15 ans dans le camp de Bergen-Belsen. Son journal a été miraculeusement sauvegardé grâce à Miep Gies, une employée d'Otto Frank, morte à 101 ans.
Devenu en quelque sorte le dernier témoin vivant de ces événements, le marronnier proche de la Maison d'Anne Frank devait donc être sauvé à tout prix. C'est, en tout cas, ce qu'estimait une fondation présidée par un universitaire, Arnold Heertje. Fort de soutiens venus du monde entier, le groupe Save Anne Frank Tree ("Sauvez l'arbre d'Anne Frank") a obtenu d'un tribunal néerlandais qu'il interdise, en novembre 2007, l'abattage de l'arbre par la municipalité d'Amsterdam-Centre. Un peu plus tard, il suggérait, à la fureur des habitants et des responsables de la Maison d'Anne Frank eux-mêmes, inquiets pour la sécurité des lieux, de consolider l'arbre - haut de 22 mètres - à l'aide d'une armature métallique de 3 tonnes. Cet échafaudage, censé résister à un vent de force 12, a lui aussi cédé.
Et maintenant, que faire ? Les idées fusent. Replanter des boutures de l'arbre ailleurs dans la ville ; planter un "clone" du marronnier, actuellement cultivé près de Groningue, dans l'îlot du Prinsengracht ; créer un espace vert dédié à Annelein... Des opportunistes, fidèles à l'esprit de notre époque, se sont, eux, posé moins de questions : ils ont, dès le lendemain de la chute de l'arbre, mis en vente de prétendues reliques sur un site Web : 750 euros pour une branche de 80 centimètres. Un acheteur, vite évaporé, a proposé 1 million pour un morceau du tronc.
Kees Van Twist, directeur du Musée de Groningue et habitant de longue date du quartier, estime pour sa part que l'affaire est close. "L'histoire que racontait cet arbre est plus grande que l'arbre lui-même", a-t-il déclaré au journal De Volkskrant, jugeant que le musée consacré à la jeune fille suffit à perpétuer sa mémoire.
Une opinion minoritaire dans un pays submergé par l'émotion. Des centaines de messages consacrés à la chute du marronnier ont été lancés sur Twitter. Frank Strarik, le stadsdichter, le poète officiel d'Amsterdam, a publié un texte célébrant la chute "prudente, lente, digne" de l'arbre. Mais si, depuis une semaine, on recense 600 articles dans la presse néerlandaise, peu osent aborder ce qui est peut-être au cœur de cet événement : le malaise - et le silence - des Pays-Bas à l'égard de leur passé, qui, décidément, ne passe pas.
Réputé philosémite depuis qu'il a abrité, dès le XVIIe siècle, des juifs venus de partout, le royaume a pourtant été, lors de la seconde guerre mondiale, l'un des pays frappés par la Shoah où les déportations ont été les plus massives. Après les premières lois antijuives promulguées par l'occupant allemand, à la fin de 1940, quelque 160 000 juifs se firent enregistrer, tandis que, selon les estimations, 25 000 décidèrent de se cacher. Seule une infime minorité d'entre eux a survécu aux déportations et aux exterminations. L'Etat néerlandais a rapidement accepté d'exclure les juifs de la politique, de la fonction publique ou des universités, avant de tolérer la confiscation de leurs biens et leur complète spoliation. Il ne refusa pas non plus - contrairement au Danemark, où une grande majorité de la population juive a survécu - la distribution de l'étoile jaune.
Dans son journal, la petite Frank - sans doute finalement dénoncée par un policier ou un "indic" néerlandais - a résumé ce qu'elle voyait comme "la fin du bon temps". La vie des juifs auxquels on interdisait le tramway, le vélo, la piscine, le coiffeur non juif, l'entrée chez les chrétiens, les sorties après 20 heures ou les courses, hormis deux heures par jour...
De nombreux Néerlandais veulent encore tout ignorer de cette part de leur histoire, alors que des chercheurs et des médias ont, depuis longtemps, mis en lumière la responsabilité très particulière de leur pays. Ils pleurent l'arbre du Prinsengracht, mais savent-ils au moins qu'un peu plus loin l'Institut royal pour la documentation de guerre possède vingt-quatre grands volumes recensant l'identité de toutes les victimes de 1940-1945 aux Pays-Bas ? L'un des premiers noms qui y figure est celui d'Anny Aa. Née à Amsterdam le 11 septembre 1941, tuée au camp de Sobibor le 2 juillet 1943."