Présentation de litas

Chiro d'amour.

Une chauve-souris volait au-dessus de Notre-Dame. C’était une chauve-souris de sexe masculin, très mâle même, et qui malgré les ans, n’avait pas perdu un poil. De chauves, il n’avait en fait que les bignolles, toutes roses. Dans la nuit de Paris, elles attiraient comme des aimants les regards des souris de toutes espèces, à tel point que leur mâles respectifs leur demandaient ce qu’elles avaient à regarder tout à coup le ciel, d’un air énamouré. Elles répondaient en rougissant de leur mensonge « Mais les étoiles bien sûr, mon chéri ». En fait, elles ne savaient pas vraiment ce qu’elles avaient vu car de loin des valseuses de chauve-souris, même bien pourvues, ça ne se distingue pas bien, mais sans qu’elles sachent pourquoi, ces comètes accolées leur avaient échauffé le sang.
Bref ! Victor (c’est ainsi qu’il se nommait), volait au-dessus de Paris. Il se savait responsable du soudain débordement sensuel de Marianne, de Djamila ou de Françoise, et il était heureux de sentir autant d’amour sous ses ailes, se la jouait « Vol au-dessus d'un nid de cocus » où tous les penchants féminins (et quelques penchants indistincts) tendaient vers sa frêle silhouette. Il était heureux aussi de sentir la brise du soir caresser ses ailes, heureux de venir tout près des vitraux de Notre Dame (qu’il appelait affectueusement Marinette), de grimacer à la face des gargouilles ou de crier tout à coup « Pan ! t’es… on ! » avant de se rapprocher en faisant des ronds, d’une longue rue sinueuse où de minuscules personnages arpentaient le trottoir à pas chaloupés. Là, il se faisait ombre pour ne pas effrayer les Madones en mini jupes ou cuissardes car il les savait superstitieuses. Il effaçait même de son être toute noirceur pour que ne soient plus perceptibles que ses lumignons roses dont il frôlait les belles et moches de nuit. Alors se produisait le miracle : les péri-pathétiques se sentaient soudain aimées, aimantes, amantes… Le temps d’un vol de luciole, elles étaient des fées de l’amour. Lorsque Victor s’éloignait de la rue Saint Denis et se dirigeait vers les quais ou le Châtelet, elles retombaient soudain dans leurs bas filés, sans autre souvenir qu’un moment de chaleur, l’ombre d’un plaisir qui leur rendait plus cuisant encore le vide, là, au-dedans. Déjà loin d'elles, Victor reprenait ses rondes au-dessus de Paris, seulement sensible au plaisir de son vol, se sentant Phœnix des hôtes de ces toits.
Une nuit, alors qu’il planait très haut, se laissant porter par une masse d'air complaisante, la Lune lui demanda :
- Mais dis-moi, Vit d’or (elle feignait d'être un peu dure du cratère et adorait jouer avec les mots), sais-tu d’où te vient l’éclat de tes trésors accolés ?
Troublé par la question, il ne répondit pas mais ayant quelque peu replié ses ailes, il faillit plonger en piqué vers les antennes acérées de la grande Eiffel et en fut fort marri. Victor était issu d'une très longue lignée de chauves souris « ardentes » dont aucune ne s'était jamais demandé par quel miracle de la génétique, ou par quelle alchimie astrale, elles avaient le don du désir.... et les parties roses.
Que voulait donc la Lune ? Depuis quelques décades, Victor avait pris l'habitude de lui faire la causette, mais il était rare qu'il s'interrogeât sur le big bang ou sur le sexe des anges. Un peu vexé par sa dégringolade, il reprit avec maestria les commandes de ses ailes, et se dit que dès la nuit suivante, il irait vers l'astre, voir si son vol pouvait éveiller chez elle plus qu’une parole de sphinx… Et si par lui, des désirs venaient à la lune, qu'adviendrait-il ? Son rendez-vous avec le soleil n'étant pas pour demain, à qui dédierait-elle ses charmes ?
Victor s'ébroua pour chasser toutes ces questions intempestives, et il piqua sur la rue Cujas, vers un club branché où si quelque chose tentait de s'agiter, ça n'était pas les méninges. De ce lieu lui parvenaient aisément la résonance magnétique des désirs inassouvis et l'écho vibratoire des ruts. Dans les tréfonds de cet antre, des êtres mélangeaient sans joie leurs incapacités à jouir simplement. Alors de temps en temps, il survolait les lieux afin de faire luire le désir aux creux des femmes, et donner quelque éclat aux turpitudes du club échangiste. Il était comme ça, Victor ; il cherchait toujours à faire le bien des humains, à leur insu. Un zélé philanthrope des airs.

.../... à suivre (si ça vous dit, je vous en posterai plus.)